Je suis arrivé ce soir-là avec mon sac photo habituel. Celui qui contient l’ensemble de mon matériel. J’avoue que mon sac est gros et donc très visible. C’est à ce moment que Pierre, le maître d’hôtel, m’a reconnu : « C’est toi le photographe? » dit-il en souriant mais également sur un ton directif. Il poursuit en disant : « Je vais te montrer la place et où tu peux aller! » En marchant d’un pas quasi olympique. C’est là que j’ai compris que cette série allait prendre une tournure imprévue.
Quand j’ai mis les pieds dans la cuisine j’ai senti un niveau d’énergie énorme en décalage avec l’ambiance sobre et intime de la salle à manger. J’ai vite compris que j’étais dans le « no man's land » de l’établissement. J'étais ce soir-là un intrus. J’avoue que je bougeais dans l'espace de façon incongrue. Mon corps n'était surtout pas en phase avec la chorégraphie maintes fois répétée par les artisans qui composent l'équipe de la cuisine du restaurant Comme chez soi de la rue Shefford à Bromont.
Malgré tout, ils m'ont accueilli gentiment et ils m'ont donné la place qui me revenait; celle d'une recrue maladroite avec les deux souliers visiblement lacés ensemble. C'était donc à moi de suivre la cadence et de m'adapter. N'étant plus dans mon élément et surtout à l'extérieur de ma zone de confort, j'ai donc accepté de perdre le contrôle le temps d'une soirée. La quasi-totalité de mon arsenal photographique ne servait plus à rien. J’ai dû réduire mes exigences techniques au minimum afin de survivre.
Dans la chaleur et l’humidité, c’est Steve et Jessie qui mènent le bal. Ils partagent une surface d’environ 16 pieds carrés pour faire leur magie. Le reste de la cuisine appartient à l’équipe de soutien qui veille à s’assurer que les billets de tables accrochés bêtement sur des épingles ne prennent pas le dessus. Les deux « cooks » m’ont d’ailleurs fait comprendre l’importance du travail d’équipe et de traiter la soirée comme une sorte de valse : « Notre travail doit être soigneusement synchronisé! Le plus difficile c’est de s’ajuster constamment en fonction de l’achalandage. À la fin de la soirée, c’est l’équipe au complet qui réussi!» insiste le tandem dans un rare moment d’accalmie.
C’est un soir de mai particulièrement occupé. Le déconfinement se fait clairement ressentir. Tant mieux puisque l’industrie de la restauration aura été le bouc émissaire des mesures sanitaires au Québec. Des serveuses comme Aicha sont heureuses des assouplissements. D’ailleurs, avec son regard engageant elle m’accroche en me disant, tout sourire : « Approche-toi! Je vais te montrer comment on fait ce dessert! ». Elle poursuit tout en s'activant : « Tu ne voudrais pas venir travailler avec nous par hasard? » Et elle conclut en ajoutant : « Tu sembles aimer les gens toi aussi! » J’ai évidemment décliné puisque je pense être trop paresseux. Être au service des gens c’est très dur; il faut de l’humilité, de la patience, de l’initiative et un très gros niveau d’énergie. C’est une philosophie de vie que je possède plus ou moins surtout le segment : patience.
Malgré tout, je constate que c’est possible de travailler très fort dans une ambiance très conviviale dans la gentillesse et le bonheur. Tout ça c’est rassurant parce que je crois qu’en ce moment c’est le genre de chose qui mérite d’être cultivé davantage dans la vie de tous les jours. En espérant que les clients le ressentent autant.
Je tiens à remercier Maryline Beauchemin ainsi que Tourisme Bromont d’avoir rendu cette série possible. Et je salue toute l'équipe de Comme chez soi de l’accueil formidable.
J-
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