Ce sont des gens qui viennent de partout. Ils sont doués d’une grande gentillesse et d'une simplicité désarmante. Ils ont tous leur histoire, mais ce qui les unit, c’est ce désir de liberté. Dans les vignes, pendant une courte période, le calme et l’égalité sont souverains.
Le vignoble de l’Orpailleur reçoit des vendangeurs et des vendangeuses de partout depuis déjà un bon nombre d’années. C’est dans ce vignoble, à Dunham dans les Cantons de l’Est, que j’ai donc pu rencontrer ce groupe éclectique, uni par ce désir de liberté. Ceci est l’histoire d’une journée passée dans une tribu éphémère à l’abri du superflu du quotidien.
J’ai parlé en premier avec « Jouhe ». Ce n’est pas son vrai nom. J’imagine qu’elle est dans les vignes pour être anonyme. Cachée derrière sa casquette, ses cheveux ébouriffés et son capuchon, j’ai découvert une magnifique timidité, accompagnée d’un regard perçant et engageant. C’est elle qui a donné le ton à cette série. Elle m’a d’ailleurs expliqué que les épingles servaient de monnaie d’échange dans le vignoble. « On a chacun nos couleurs, pis ça sert à savoir quelle chaudière de raisins nous appartient, pour se faire payer » dit-elle comme si c’était un détail plus ou moins important.
De son côté, Dominique possède un sourire permanent et inébranlable. Elle travaille dans un bureau gouvernemental toute l’année, mais les vendanges, c’est comme des vacances. « Juste avant l’hiver, j’adore me retrouver dans les vignes. Après c’est le retour à la routine », dit-elle sur un ton apaisé.
Par la suite, ce fut au tour de Gab et Cynthia qui affirment de concert chercher avant tout ce fameux sentiment de liberté. En contrepartie, ils mentionnent que ce travail nécessite également beaucoup de rigueur et de discipline. Sans être trop anarchiste ni trop hippie dans leurs propos, notre brève discussion est également teintée de pragmatisme. Cette étrange dichotomie, loin des clichés associés à la simplicité volontaire m’oblige à réfléchir davantage : Peut-être qu’il y a une certaine libération dans le travail physiquement éprouvant. Peut-être que le bon vieux « dur labeur » manque à certains aujourd’hui.
Quelques rangées de vignes plus loin, j’ai trouvé « la gang » à Stephan Marcoux de l’organisme Pleins Rayons. Stephan et l’organisme œuvrent dans l’inclusion sociale des jeunes adultes ayant une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l’autisme. C’était contagieux de discuter avec lui puisqu’il croit profondément en son projet. Avec un certain recul, je réalise avec étonnement à quel point il réussit dans sa tentative puisqu’en regardant les images, je sens qu’il y a cette atmosphère d’inclusion.
Et finalement, il y avait Xena et son maître Jérôme. Xena était jeune et pleine de vie. Jérôme pour sa part, je le sentais humble et du genre observateur. Enfin, les deux faisaient un joli duo disons. Par contre, le chemin Bruce qui borde le vignoble en a décidé autrement. Cette route n’a pas le pardon facile et surtout, ce genre de chemin sinueux est loin d’être compatible à la vigueur imprévisible d’une jeune chienne. Sur ce, le lendemain, j’apprenais avec grand chagrin son décès. J’avais beaucoup aimé sa présence.
En conclusion, c’était pour moi une expérience qui allait au-delà de la photographie. J’étais en immersion, hors du temps, à la rencontre d’un microcosme qui m’a donné une leçon sur la beauté des choses simples, à l’abri des excès de tous les jours. Je dédié à eux ce documentaire.
Je tiens finalement à remercier Charles-Henri de Coussergues et Édith Ducharme d’avoir rendu ce documentaire possible. Ils ont compris ma démarche et ils m’ont donné accès illimité à l’ensemble du vignoble.
Réalisé à l'automne 2019
J-
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